Je suis un vieil homme
Aujourd’hui, je suis un vieil homme de 95 ans. Mais je pense que si le vieillissement est une réalité physique, l’âge est une construction sociale et jour après jour j’apprends à vieillir.
Je fais mienne cette réflexion de Marie de Hennezel : « Une vie accomplie est une vie apaisée. C’est pourquoi il est si important de mettre de l’ordre et de faire le bilan ». En ce qui me concerne, le bilan se résume à deux mots : résistance et citoyenneté. Et je veux m’en expliquer à partir de ce qui fut le fond de mes engagements.
La société française se doit de relever un défi : Les vieux ont droit à la parole, et à la parole libre autant que quiconque et quels qu’ils soient, dans le respect de leur diversité, de leur histoire, de leur situation, de leur culture. La personne humaine n’a pas d’âge ; elle a une dignité. Ils ont tous quelque chose à nous dire, y compris ceux, prisonniers du silence, pour qui le regard aussi furtif soit-il, en dit parfois plus long que bien des discours.
Mais s’ils ont droit à la parole, et si on leur donne la possibilité de s’exprimer, c’est pour être écoutés et entendus. Sinon le droit à la parole n’a plus de contenu, voire de sens.
La vieillesse n’est pas une maladie. Ce qui nous définit, ce n’est pas tant notre âge que ce que nous avons fait de notre passé et ce que nous comptons faire de notre avenir. Car quel que soit notre âge, nous avons un avenir et donc un projet de vie. Il n’y a pas de vie humaine sans projet à condition de faire en sorte que les personnes âgées qui sont encore en mesure d’être utiles puissent l’être.
La Personne Âgée doit être reconnue comme une personne à part entière ayant des droits à faire valoir ne serait-ce que celui de pouvoir choisir son chemin et son rythme, de s’assumer, de se tromper. Il n’y a pas de dignité sans liberté.
Il vaut mieux vieillir acteur. Comme l’écrivait E. Mounier : « Nous ne nous engageons que dans des combats discutables sur des causes imparfaites. Refuser pour autant l’engagement, c’est refuser la condition humaine. »
Jean GIARD, Novembre 2021 |