Lectures d’été : Pourquoi pas quelques BD ?
Si vous aimez les BD, ou si vous souhaitez découvrir quelques BD récentes, en voici 4 très différentes pour vos vacances :
Le jardin / Gaëlle Geniller, Delcourt, 2020, 210 p. (Mirages)
Dans ce cabaret fleuri, très précieux, très féminin, où les artistes ont des noms de fleurs : Rose, Tournesol, Marguerite, la vedette est un très jeune garçon. Il s’habille en fille et danse en costumes de scène et fanfreluches.
Des couleurs vives, une grande finesse des dessins et des décors « art nouveau » : tapisseries, tapis, étoffes, plantes d’intérieur, lampes. Des camaïeux de rouges et d’émeraude, du sépia aussi. Beauté des images, raffinement des costumes, et poésie du texte.
Une belle idée, une façon légère et douce, sans passion ni parti pris de traiter la question du genre. Un hymne à la danse, à la musique, à la tolérance, à la liberté et à la joie de vivre. Un enchantement !
Contrapaso. 1. Les enfants des autres / Teresa Valero, Dupuis, 2021, 152 p.
Un beau dessin, précis et vif, au service d’une très bonne reconstitution historique de l’époque. Les personnages sont typés, les coups de crayon nets, détaillés avec un souci du détail, presque des caricatures de presse. Le choix des couleurs accentue le propos : noir, gris, gris bleutés pour les scènes de nuit, bleu-verdâtre pour la morgue, ainsi que les dégradés d’ocre pour les scènes de vie quotidienne. On est dans l’ambiance animée d’un journal avec sa salle de dactylos, ses journalistes hommes et leur patron, tous muselés, tous profondément machos.
Cette incursion dans les bureaux d’un journal populaire sous Franco, très documentée, doublée d’un polar noir et d’une histoire d’amour contrarié, met en scène deux journalistes affectés aux faits divers, un vieux blasé et bourru, ancien phalangiste, et un jeune fougueux et idéaliste, et… communiste ! Une alliance bien improbable pour élucider toute une série de crimes liés au régime franquiste.
Un scénario qui décortique les mécanismes de la propagande et la censure, de la liberté de la presse et de la fabrication de l’info. Seul bémol à mon enthousiasme, le récit, parfois trop dense, nuit à la fluidité de l’histoire.
A quand le tome 2 ? On l’attend avec impatience…
Jours de sable / Aimée de Jongh ; trad. du néerlandais par Jérôme Wicky, Dargaud, 2021
Etats-Unis 1937 : John Clarke, jeune journaliste photoreporter est engagé par la FSA (Farm Security Administration), organisme gouvernemental créé pour aider les fermiers. Objectif : témoigner par des photos de la situation des agriculteurs du « Dust Bowl », le « Bassin de poussière », victimes de la terrible sécheresse et des violentes tempêtes de sable, dans les états d’Oklahoma, du Kansas et du Texas.
J’ai tout aimé dans cette BD : le choix des photos d’archives (des photos prises pour la FSA dans le Dakota du sud par Arthur Rothstein au moment de la grande sécheresse lors de la grande dépression des années trente), les dessins, le graphisme, le scénario et la disposition variée des vignettes : doubles pages sans texte, pages, vignettes de toutes tailles. Les couleurs aussi, sable, dégradés d’ocres, de jaune-orangé… dégradés de gris-mauve.
Et surtout, la façon dont Aimée de Jongh traduit dans l’image et le récit, la prise de conscience de ce jeune photoreporter de la nécessité de se construire des règles éthiques, au fur et à mesure de ses rencontres et de l’avancée de son travail.
La bibliomule de Cordoue / Wilfrid Lupano ; Léonard Chemineau, Dargaud, 2021, 256 p.
Voler des livres pour les sauver du bûcher, les arrimer sur une mule, et fuir par des routes difficiles, quel défi !
Cordoue : Année 976, à la mort du dernier calife, se termine le Califat d’Al Andalus, une longue période sous le signe de la paix, la culture et la science. Le Vizir décide de brûler en place publique tous les livres de toutes les bibliothèques, notamment celle de l’Alcazar. Tarid l’eunuque, Lubna, une excellente copiste et Marwan, un élève copiste, décident de sauver les plus importants et les plus rares en les volant.
Et voilà nos trois comparses, poursuivis par les hommes du vizi, partis pour une surprenante et dangereuse aventure !
Avec cette couverture magnifique, ses images en ombres chinoises, ses pages de manuscrits, ses anciennes cartes, ses dessins d’architecture musulmane et de paysages secs ou verdoyants d’une grande finesse, cette BD bien documentée, aux harmonies d’or, d’ocre, nous raconte, sous un mode humoristique, une histoire grave et souvent répétée par la suite à travers les siècles, et nous fait vivre une aventure rocambolesque et réjouissante.
Et ici c’est la mule qui dévore les livres !
Et pour finir un rappel de tous les « livrecides » passés. De quoi réfléchir sur le pouvoir de l’écrit !
Tarid : « S’il n’y avait pas le poids des livres, l’esprit du lecteur s’envolerait » (114)
Bonnes vacances !
Catherine Blanchard
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