La Bérarde : la croisée des chemins

Par Jean-Pierre Charre et Alain Marmonier

Le Département de Géographie de l’Université Inter Âges du Dauphiné (UIAD),  qu’animent des anciens de l’historique Institut de Géographie Alpine, a monté, dans le cadre du Lab Territoires, trois conférences sur la catastrophe de La Bérarde.

Elles ont bénéficié des compétences d’un alpiniste, d’un géomorphologue et d’un Venocain. Alain Marmonier, un « amoureux du massif des Écrins », a narré l’histoire du hameau et des refuges. Ce habitat temporaire lié à l’activité pastorale est devenu le haut lieu de l’alpinisme isérois. Il a séduit des amateurs, initialement anglosaxons, de loisirs et d’aventures, qui gravirent les sommets, guidés par des paysans montagnards, et inventèrent l’escalade.

Le guide paysan Pierre Gaspard et Boileau de Castelnau, vainqueur de La Meije, fréquentaient les refuges entourant la Bérarde et qui, remplacés par des établissements modernes, permettent en quelques heures de faire des « courses » dans la grandeur.

Ensuite, Jean-Pierre Charre a analysé les multiples facteurs de vulnérabilité, naturels et humains, notamment l’allongement du hameau sur un cône de déjection torrentiel, et la modicité des protections. Il a détaillé la conjonction exceptionnelle des phénomènes hydrométéorologiques et glaciolacustres ayant déclenché les processus hydromorphologiques qui ont parcouru le cône et dévasté le hameau.

Dans cette conjonction, la vidange d’un lac supraglaciaire de Bonnepierre a joué un rôle.

La vidange du lac a réactivé le cône de déjection situé en aval du glacier dont les apports ont rejoint le torrent des Étançons, dévalé le ravin et submergé La Bérarde.

La catastrophe a connu trois temps. Les matériaux ont d’abord comblé le lit du torrent, qui suivait la bordure aval du cône. Ensuite, des charriages torrentiels se sont répandus sur le cône, amenant et accumulant les matériaux, notamment sur la partie supérieure.

Enfin, des écoulements liquides se sont concentrés sur la bordure amont du cône, à l’opposé du tracé primitif, ont creusé et affouillé.

Grâce à la réactivité des habitants, qui en ont témoigné lors des séances de l’UIAD, et à l’intervention des services de sécurité, quatre hélicoptères ont, en une matinée, évacué les 97 personnes présentes, habitants et visiteurs, vers les Deux Alpes. Il n’y eut aucune victime, mais les dégâts sont énormes. La plupart des maisons ont été touchées, 17 vont disparaître.

Enfin, Pierre Balme, Vénocain et ancien élu local, a observé le présent et exploré le futur. Il s’est demandé quel sera, après le désastre, l’avenir de la vallée et de son économie.

Il a décrit une vallée sinistrée, physiquement, économiquement, moralement, mais il a assuré qu’elle se relèvera, qu’elle sortira « sécurisée », renforcée, résiliente, avec une gestion maitrisée des cours d’eau et des équipements, grâce à la mobilisation des acteurs et à la solidarité publique et privée. Son économie, dominée par le tourisme, peut se renouveler par l’innovation, devenir un modèle d’accueil éco-responsable, durable, des citadins en mal de beauté.

Pour La Bérarde, il a esquissé des formes urbaines susceptibles d’assurer la continuité et la pérennité, de réparer le préjudice psycho-affectif qu’est le deuil du village ancestral. La vallée saura faire d’un drame une opportunité. Elle commence une autre histoire.

Lab Territoires de l’Université Inter Âges du Dauphiné, JPC, 6.12.24

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