Un livre à découvrir : “fuir l’Eden” d’Olivier Dorchamps
Toujours dans la sélection pour le prix littéraire 2023, nous vous conseillons :
Olivier DORCHAMPS : « Fuir l’Eden »
J’ai également beaucoup aimé ce livre pour lequel j’ai eu tout au long de ma lecture beaucoup d’appétence, si bien écrit, de beaux personnages fouillés auxquels on s’attache et auxquels on croit. Avec une peinture sociale d’un milieu déliquescent, rendu à l’état de ghetto montré du doigt et dont on ne sort pas aisément ! Véracité des durs milieux de la paupérisation, de l’enfermement dans la violence, la drogue, la loi du plus fort, la circulation des armes sous le manteau, les monstrueuses combines pour survivre, l’expérience de la drogue dans son propre corps, l’avenir professionnel géographique et social bouché, la violence des hommes sans foi ni loi, des pères, la vulnérabilité des femmes et des petites filles, des enfants. Univers de la survie économique par le commerce de la drogue et la loi implacable des gangs en perpétuelle rivalité, toujours sur le qui-vive, ce climat des quartiers livrés à eux-mêmes, les mauvaises combines, la mort facile au coin de la rue pour une raison dérisoire, la jeunesse qui pulse pourtant, la course à bout de souffle pour pas rater sa vie dans la misère crasse ou la circulation mortelle des drogues… Et pourtant, moment de grâce dans ce “scénario désespérant d’inéluctable reproduction sociale annoncée”, moment improbable et réjouissant, presqu’euphorique, on propose à notre valeureux et douloureux héros un job de lecteur auprès d’une âme bienveillante !!!
Incroyable, mais l’on sait que ce genre de coup du sort – heureux – existe aussi, que parfois on arrive à passer de l’autre côté de la montagne, à sortir de « l’Eden », pour entrouvrir une porte dérobée qui commence à vous faire croire qu’une petite part d’un vrai paradis vous est réservée. Et voilà qu’au milieu de terribles tribulations, le héros est enfin parvenu à sortir de l’Eden ! Avec les honneurs, fourbu et brisé mais toujours vif. Grâce à une autre estropiée de la vie, celle dont il est le lecteur, qui lui apprend le salut par la lecture, l’instruction et l’humanité. Alors oui on y croit !!! On y croit !!! La femme aimée, convoitée, d’ascendance étrangère, italienne je crois, sortie du maëlstrom peut-être une ou deux générations auparavant, vit une vie aisée. Sur ce quai de gare où elle croise cet échappé de l’Eden, elle reconnaît dans les yeux du jeune homme crasseux, hirsute, apparaissant comme un diable sortant de sa boîte, l’étoffe d’un homme solide, à la belle âme, résilient, qui sait prendre des risques pour autrui. Elle est profondément touchée et attirée.
Finalement ce personnage s’en sort bien malgré les détours, se sacrifiant comme meurtrier déclaré pour sa sœur qui s’est sortie tragiquement des griffes du paternel devenu un fauve en le trucidant. Ce geste de bravoure, d’honneur et de courage, il le paye en années de vie, embarqué pour quelques années de prison. Néanmoins il est attendu par une belle équipe lorsqu’il en sort. Et au final il gagne très, très, gros : l’amour des livres, la culture, le savoir, une famille de cœur et l’amour de sa belle ! En fait tout, il gagne tout ! Un happy end savamment orchestré, et qui nous fait du bien à l’âme.
Martine FOURNIER
Membre du jury du Prix Littéraire UIAD 2023