Exposition « Zurbarán » au Musée des Beaux-Arts de Lyon
De Jeanne Allizon, étudiante en espagnol à l’UIAD
Le musée des Beaux-Arts de Lyon propose jusqu’au 2 mars 2025 une exposition sur Zurbarán (1590-1664) :
« Réinventer un chef d’œuvre »
Les conservateurs ont monté leur exposition autour du Saint François d’Assise de Zurbarán – peint à l’huile en 1636 et propriété du musée depuis 1807. Ils ont pensé mettre en parallèle les mêmes tableaux peints par Zurbarán et (ou) son atelier et qui sont exposés au Musée de Barcelone et de Boston ; et expliquer comment cette peinture a influencé le travail des peintres qui lui ont succédé.
Entrons et faisons connaissance avec le monde de Zurbarán. Dans la première salle, en face de l’entrée, un très beau Christ en croix. La blancheur du pagne attire les yeux et souligne le léger basculement du bassin.
A ses côtés, la peinture qu’a réalisé Zurbarán du voile suspendu de Véronique : il présente en ocre le visage du Christ, et n’est que délicatesse et finesse. Également, deux merveilleuses natures mortes : la première « Nature morte aux pots » où Zurbarán dévoile sa maîtrise des blancs et des reflets ; et un Agnus Dei à la toison délicate et abondante.
Dans les salles suivantes on peut découvrir des représentions de Saint François d’Assise, peintes à l’huile en format moyen : un Greco émacié priant à genoux (1541-1614), Paul Rubens (1577-1640) ou Georges de la Tour (1593-1642) ainsi qu’une autre de Zurbarán où l’on découvre le Saint à genoux, tableau magnifiquement éclairé par le blanc de l’habit, les mains portant le crâne. Ils sont en extase ou en méditation, portant le crâne humain, élément essentiel pour méditer suivant les préceptes de Saint Ignace de Loyola. Elles ont été réalisées à une époque où l’église promeut le culte des saints et, comme beaucoup d’autres, sont destinées à orner des églises, des monastères ou même des chapelles privées.
Puis on entre dans la salle où sont présentées les trois peintures. Elles sont presque identiques et de même format. Saint François y est présenté en pied, priant, les yeux levés au ciel, le teint blanc, les bras dans les manches de son habit de franciscain avec la corde et ses trois nœuds, et les stigmates encore saignantes au flanc. Saint François semble vivant et on dit que c’est dans cette position que l’a trouvé le pape Nicolas V dans la crypte de l’église San Francisco d’Assise, en 1449.
La peinture du musée de Lyon a été restaurée pour cette exposition (faisant apparaître les pieds) ; on peut noter de légères différences entre les trois, qui peuvent s’expliquer par le fait que certaines toiles ont été réalisées par les assistants de l’atelier de Zurbarán.
A cette époque, si Zurbarán peignait un Saint solitaire, d’autres peintres l’intégraient à des petites scènes – comme celle que grave Thomas de Leu (1660) de la visite du pape Nicolas V dans la crypte de l’église de Saint François d’Assise ou la peinture de la tombe du Saint où l’on découvre le pape très entouré (Laurent de La Hyre, 1499).
Dès le XIXe des peintres régionaux s’inspirent de Zurbarán (Zurbarán au travail de Louis Debras, 1888) et l’on voit aussi la production de gravures, d’eau-forte et même de cartes postales. Ce sont ces techniques des impressions photographiques que le travail du photographe Eric Poitevin reprend : en 2021 il réalise les sept impressions du tableau lyonnais de Saint François qui sont exposées. Il est très intéressant d’observer ses tirages surexposés ou sous-exposés qui révèlent certains aspects du tableau comme le ferait un scanner.
A notre époque, des représentations du Saint sont également diffusées par des techniques digitales et l’impression ; des artistes continuent à s’en inspirer.
La visite se termine dans une salle réservée à la mode. On retrouve la robe de Saint François dans certains modèles épurés de Balenciaga, Madame Grès ou Alaïa. Et l’on peut dire que la capuche-uniforme de notre génération est inspirée du capuchon de la robe de bure de Saint François….
Cette exposition n’est pas une exposition sur Zurbarán, mais elle permet de comprendre le processus de création du peintre et de faire voir l’influence de sa peinture sur les artistes du XXe et même contemporains.