Dans l’eau….
Par ces temps de neige et de froid, rien de mieux qu’un bon livre, une tasse de café (ou de thé) à portée de main. Si possible un livre un brin dépaysant pour s’imaginer ailleurs…
DANS L’EAU JE SUIS CHEZ MOI d’Aliona Gloukhova
C’est le titre poétique d’un court roman écrit par une jeune femme, Biélorusse francophone dans le cadre d’un Master de création littéraire à Paris VIII. Elle a reçu les conseils de Maylis de Kérangal qu’elle remercie en fin de roman.
Elle s’interroge sur le mystère de la disparition de son père. La narratrice avait onze ans. Comment vivre avec cette incertitude, comment faire son deuil sans qu’aucun corps n’ait jamais été retrouvé?
Son père a disparu en mer le 7 novembre 1995, dans le naufrage d’un voilier au large des côtes turques. Il savait nager, ses deux compagnons, eux, ont rejoint la côte. Le corps de son père n’a jamais été retrouvé, ni sa veste, ni ses papiers. Qu’était-il allé rechercher sur le bateau? C’était son premier voyage, sa première sortie de la Biélorussie post-communiste.
La jeune femme se souvient: des bribes de souvenirs de petite fille enrichis par ceux de sa famille émergent sous forme de fragments d’écriture. C’est un roman fragile et sensible. La narratrice voudrait comprendre les ressorts psychologiques de cet homme qu’elle a si peu connu, son alcoolisme, son enfermement sociologique et politique dans le monde soviétique. Sa pensée s’envole: est-il mort… ou bien… a-t-il volontairement disparu ? S’est-il « évadé »? A-t-il entrepris le grand voyage dont il rêvait hors de sa prison communiste?
» Je ne sais pas si Istanbul garde les traces de ce qui s’est passé, je ne sais pas si je peux apprendre d’autres choses sur mon père. Ou peut-être le sais-je déjà, mais je fais comme si je pouvais faire encore durer son histoire […] je suis toutes les pistes, même les fausses ».
Ce roman émouvant qui évoque aussi les effets d’une disparition sur toute une famille, l’a-t-il aidée à faire son deuil?
Premier roman remarqué par la critique, il figure dans le catalogue de la Bibliothèque Municipale de Grenoble.
Magali Roubaud
Aliona Gloukhova, Dans l’eau je suis chez moi
Editions Verticales, décembre 2017, 117 pages