David Treuer est né d’un père juif autrichien et d’une mère ojibwe. Comme beaucoup d’Américains, c’est un homme mélangé, et l’on ne s’étonne pas de croiser dans son roman des personnages qui se tiennent eux aussi à la frontière de deux cultures.Tous les étés la famille de Franckie se retrouve dans leur maison du Minnesota. Félix, le vieil indien s’occupe du domaine depuis toujours, avec l’aide de son neveu Billy. Franckie et Billy ont le même âge, ils partagent les mêmes jeux, les même aventures. Mais de la camaraderie de l’enfance ils sont passés à des sentiments plus troubles.
On est en 1942. Un camp de prisonniers allemands vient d’être installé de l’autre côté de la rivière. un prisonnier s’est échappé et une chasse à l’homme s’organise, au cours de laquelle une jeune indienne est tuée. Accident de chasse (!), mais qui a tiré, Billy ou Franckie ? Qui est responsable de la mort de cette petite fille ? Sa sœur est recueillie par le vieux Félix qui la considère peu à peu comme sa fille.
Les éléments du roman mis en place, l’écrivain déroule peu à peu les fils qui s’entremêlent, celui des relations complexes entre les personnages, celui des émotions dissimulées derrière les non-dits, celui des apparences souvent trompeuses et des réalités parfois décevantes. Au lecteur de comprendre peu à peu ce qui s’est passé cet été-là et de découvrir comment des événements fortuits modifient – en bien ou en mal, mais la question est moins morale que métaphysique – la trajectoire d’un individu.
Et la vie nous emportera est un roman subtil qui glisse constamment d’un niveau à un autre, parce que chaque personnage y est montré sous plusieurs angles. L’être humain est le produit de ses gènes, de son éducation, du milieu dans lequel il grandit, des événements qui marquent son époque et plus encore des choix qu’il est amené à faire. Tel est, me semble-t-il, la vraie matière romanesque de David Treuer.