Exposition “Los Modernos” suite …

Après le premier compte rendu inséré dans le blog le 17 mars voici l’article complet écrit par  Jeanne Allizon qui a participé à l’une des deux visites, compte rendu accompagné de photos prises par d’autres participants  dont celles de Bernadette Gastoud-Lafossas :

A l’initiative de Ligia et avec la complicité bienveillante de Paquita (Françoise Givord), nous avons visité l’exposition « LOS MODERNOS » au Musée des Beaux-Arts de Lyon, le mercredi 28 février dernier, un des tous derniers jours.

Pescador de Mallorca (1915)   Roberto Montenegro

Une jeune femme charmante s’est chargée de nous faire découvrir, en espagnol, les liens ténus et insoupçonnés entre des tableaux du Musée National des Arts de Mexico et d’autres appartenant au Musée des Beaux-Arts de Lyon ou prêtés par les musées ou des particuliers.

La peinture mexicaine ne se résume pas à Diego Rivera, même s’il en reste la figure tutélaire.

Ayant fait de nombreux séjours en France à partir de 1910, Rivera a côtoyé Picasso, Braque, André Derain, Marquet, il s’est imprégné des mouvements impressionniste et cubiste ; les peintres mexicains et français reprennent, chacun à leur façon, les mêmes sujets.

J’ai été séduite par la correspondance entre « Paisaje» (Jardin de la Castañeda) peint par Rivera et repris par Félix Valloton (« chemin sous la pluie), par les «Quais» peints au cours de la même année (1909) par Diego Rivera et Marquet, par les nus de Picasso, Dufy et Diego Rivera ; par le portrait de l’Antiquaire au large front peint par Matisse correspondant en tous points à l’autoportrait de Gerardo Murillo. Et, que dire de ce tableau captivant d’André Derain (Portrait de Femme) mis en parallèle avec le portrait de María Marín de Carlos Orozco Romero ? Mêmes yeux fixes, même bouche désabusée –  plus lasse sous le pinceau de Derain – même coiffure et cependant un brin de fantaisie chez Orozco avec l’introduction de sujets clairs et joyeux comme une femme dansant ou une montgolfière.

El arquitecto (Jesús T. Acevedo) (1915) Diego Rivera

Une grand part de l’exposition est faite aux peintres cubistes, les œuvres des peintres mexicains mises en relation avec celles des peintres français :  Albert Gleizes et son « Editeur », mis en parallèle avec » l’Architecte » de Diego Rivera ; côte à côte la Femme au chevalet de Braque et la « Cabeza cubista » (la tête cubiste) de Germán Cueto, Sonia Delaunay, Léopold Survage et Julio Preto, Alfonso Michel dont la « Naturaleza muerta »(nature morte) répond au » Buffet du Catalan » de Picasso.

De cette partie, je retiendrai deux tableaux, tous deux peints par Diego Rivera, tous deux dans des tons orangés, presque bruns. Le premier, le portrait du peintre Zinoviev, m’attendrit. Le portrait est partiellement destructuré, le visage que l’on voit de face est poupin avec ses lunettes rondes, peint avec douceur ; il me semble que Rivera n’a pas encore franchi le cap du cubisme.

Je retrouve dans le second, » la Plaza de Toros de Madrid », tableau cubiste, une touche « fauve » :  c’est à la manière de Cézanne que Rivera a peint les touches de couleur du paysage.

Plaza de toros en Madrid (1915) Diego Rivera

Autre thème important de cette exposition : la vie mexicaine, ses traditions, la Mort, la Révolution.

Sont ainsi présentées des gravures saisissantes de l’Atelier de Gravure populaire (de Leopold Méndez : l’hommage à José Guadalupe Posada, « Piñata política » -le chaudron de la politique – « el caballito » -le manège-, « Cauhtémoc » qui évoque les ancêtres indiens, Francisco Vila  ou la planche très puissante « Amenaza sobre México »- Menaces sur le Mexique. La gravure représente démons et serpents surmontés d’une croix fichée dans des cactus et sur laquelle est cloué l’aigle nazi, ailes déployées tandis que, couché un drap, un Mexicain dessine au côté d’un squelette (la « calavera » populaire au Mexique).

José Guadalupe Posada (1953) Leopold Mendez

Si les Mexicains sont venus en Europe et en France, les Français, eux-aussi, sont allés au Mexique pour se fondre dans leur imaginaire, leurs légendes, leur culture.

Ainsi des surréalistes : en littérature ce fut Antonin Artaud ou André Breton, en peinture Miró (associé ici à Carlos Mérida). Une gravure de Diego Rivera est également présentée sur ce thème, « Vasos comunicantes » (les vases communicants) : très réaliste elle présente un visage humain, deux yeux-verres tenus par des mains et reliés au cerveau par des tuyaux.

Quelques très belles encres d’André Masson (portrait d’Antonin Artaud), de remarquables (et certainement rares) dessins d’Antonin Artaud, mine et craie de couleur.

Je me suis arrêtée avec émotion devant les très beaux autoportraits colorés de Frida Kahlo : deux huiles sur métal, dont l’un encadré de coquillages et un autre, « à la Frontière entre le Mexique et les Etats Unis », où elle se tient debout, altière dans sa robe rose.  Tous dévoilent une grande tristesse.

Autorretrato en la frontera entre México y los Estados Unidos (1932) Frida Kalho

Puis vint le temps de la « Rupture» : des artistes refusent l’art « national », disent qu’ils veulent repartir de zéro, retravailler les maîtres. Proches de tableaux de Nicolas de Staël, Olivier Debré ou Pierre Soulages, j’ai remarqué de José Luis Cuevas un « Autoportrait en Rembrandt » ou d’Alberto Gironella une surprenante « Reine à la tête de chien » qui rappelle les Ménines de Velasquez.

Le dernier volet de l’exposition concerne des photos. Témoignages de la vie et des croyances mexicaines aussi bien que des techniques de l’époque (gélatino-argentique), elles ont été prises par Tina Modotti, Manuel Alvarez Bravo ou Henri Cartier-Bresson…

Egalement des photos de Pablo Ortiz Montero, dont celle de deux jeunes apprentis toréros qui s’exercent en contrebas d’une autoroute ou celle, très forte « Volando bajo»(Volant bas) : un jeune-homme saute, buste dénudé et bras écartés devant un mur sur lequel sont dessinés deux énormes révolvers. Chacune d’elles révèle une composition parfaitement maîtrisée.

Volando bajo         Pablo Ortiz Monasterio

En deux mots : une riche et belle exposition mettant en regard les mouvements artistiques mexicain et français à une époque productive et constructive.

Jeanne Allizon

Bien sûr vous pouvez retrouver d’autres articles en espagnol sur notre blog : Vamos a hincar los codos

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