Ernest Gaines, un grand, grand auteur louisianais
D’Ernest J. Gaines j’ai lu – je crois – tous les livres. Parce qu’une fois qu’on a lu une seule de ses oeuvres, on est pris ! Il y a quelque chose de si vrai, de si fort, de si bouleversant dans ses romans, mais aussi de très simple, de très accessible, très loin des prétentions littéraires de certains. Ce que Gaines voulait c’était parler des siens, de ceux qui avant lui, n’étaient pas dans les livres, les petites gens de Louisiane où il est né, et où il est mort la semaine dernière. Il voulait aussi écrire pour « son peuple », ceux qui comme lui sont nés dans le Sud des Etats-Unis, privés de droits et sans grand espoir d’en acquérir jamais, avec au coeur un sentiment d’injustice et de peur souvent.
Ernest J. Gaines n’est plus, mais ses livres sont bien là. Alors lisez les, lisez les tous. Mais si vous n’en lisez qu’un ….
ce sera sans doute Dîtes-leur que je suis un homme.
Liana Levi, son éditeur, tient heureusement à jour son catalogue et a choisi de rééditer certaines nouvelles en volume unique, ce qui permet au lecteur qui aurait peur de se lancer dans un roman de se familiariser avec la manière de Gaines, son écriture, ses thèmes.
Ainsi, lire Par la petite porte est une bonne façon d’aborder l’oeuvre de Gaines et de comprendre la symbolique de cette porte par laquelle on faisait entrer « les gens de couleur ». Et seulement les gens de couleur !
Mais ensuite il faut se lancer, et choisir entre Dites leurs que je suis un homme et
Colère en Louisiane par exemple. Le premier est un roman austère, dur, avec ses moments de tendresse aussi, mais sans complaisance sur la façon dont les Noirs étaient traités et le difficile chemin vers l’estime de soi. Le second est un roman choral, intense, vibrant, où des vieillards qui de toute leur vie n’ont fait que courber l’échine devant les Blancs, apprennent à relever la tête et à dire non.
Gaines est un écrivain majeur de la littérature américaine, sans doute parce qu’il sait allier dans ses romans l’émotion à l’intelligence. Ses romans sont poignants et touchent au plus profond de l’âme, mais ses romans sont aussi d’extraordinaires témoignages sur la condition des Noirs américains soumis à la ségrégation et aux lois Jim Crow.
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Jean-Paul Dubois, le Goncourt 1019
Jean-Paul Dubois vient d’obtenir le prix Goncourt. Pas vraiment une découverte parce que cela fait bien une quarantaine d’année que ce monsieur écrit et publie. Mais je me réjouis de ce prix qui va accroître sa notoriété, parce qu’il y a longtemps que j’apprécie cet auteur. Non je n’ai pas lu tous ces livres, mais j’en ai lu pas mal. Et je me souviens de quelques uns.
Je me souviens deLa vie me fait peur parce que je l’ai lu – drôle de coïncidence – dans un avion qui m’emmenait vers la Floride, exactement comme le personnage central, Paul Siegelman et j’avais peur moi aussi.
Je me souviens de Parfois je ris tout seulparce que j’ai souvent éclaté de rire en lisant ces histoires courtes, absurdes, et tellement drôles
Je me souviens de Tous les matins je me lève...
Mais je ne vais pas énumérer tous les romans de Jean-Paul Dubois que j’ai aimés, il y en a trop.
J’ai lu, mais un peu moins aimé Une vie française, sans doute parce que je l’ai trouvé plus … comment dire… conventionnel. Un peu moins aimé aussi Vous plaisantez Monsieur Tanner. Trop attendu.
Je n’ai pas encore lu
Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, mais je le lirai c’est sûr parce je suis certaine d’y retrouver un personnage désenchanté, mal gracieux et de parti pris, mais pas tout à fait cynique ni amer, j’y retrouverai surtout un univers qui me semblera familier, un ton, une écriture bien à lui, une façon de se moquer du monde et malgré tout de croire que le bonheur n’est pas impossible bien que souvent inaccessible. Ses chroniques de la vie américaine, écrites d’abord pour le Nouvel Obs dans les années 90 et publiées en recueil sous le titre de
L’Amérique m’inquiètem’ont fait un moment hésiter tant elles semblaient relever d’un antiaméricanisme primaire. Mais j’ai bien dû admettre qu’elles étaient hélas justes et très bien documentées. Oui l’Amérique est inquiétante (elle l’est devenue plus encore), mais Jean-Paul Dubois a délibérément choisi de n’en voir que les aspects les plus négatifs. Tant pis pour lui.
Et voilà pourquoi, contrairement à mes habitudes, je lirai cette année le Prix Goncourt !
Nicole Dupré
Nb: si vous aimez les livres en numérique, le prix Goncourt 2019 est disponible sur la numothèque de l’agglomération de Grenoble